La Naissance des Droits
« Ce fut un Jour unique, un Quatorze Juillet
Qu'un tocsin sans église le peuple réveillait;
Ou plutôt mieux un chant du haut de la Bastille
Souriant au monde et à la France, sa fille.
La Bastille, imposante, fut d'emblée assailli
Par un peuple héroïque, créateur, plein d'histoire
Et dont le sang rebelle, par ses veines jailli,
Menait, de porte en porte, le sceau d'une victoire
Ce Bastion, imposant, fut d'emblée assailli
Par un Peuple héroïque, créateur, plein d'histoire
Et dont le sang rebelle, par ses veines jailli,
Menait, de porte en porte, le sceau d'une victoire.
Par ci, par là, en fleurit le libéralisme,
Et de l'homme, poète forgeron, le droit humain,
De ses murailles s'écroula le despotisme,
Mais y passèrent Montagnardes et Girondins.
De partout sans un deuil pour le commun assaut
A l'insu de grands seigneurs et leurs maîtres,
Ignorant le pouvoir de ce qui allait naître,
Les cloches répandirent leur doux et long écho
Qui vole fièrement au gré du vent encore,
Témoignant à tous que l'éveil tricolore
Se perçoit par-dessus de tout haut nuage
Parce qu'elle tiendra, ferme, son éternel age!
Parce que pour défendre ses nobles conquêtes
Depuis le Jour où Paris fut en feu
Quand le sol béni reçut d'un roi ses têtes,
Cette Révolution fut pour tous peinte en bleu!
Parce que pour sauver et purifier toute âme,
Soit bien et d'un vieillard, soit bien et d'un enfant,
De n'importe quel homme, n'importe quelle femme,
Cette Révolution fut pour tous peinte en blanc!
Parce que pour aimer à jamais cette Patrie
Et montrer que le peuple restera vaillant
Afin d'empêcher qu'Elle soit un jour flétrie,
La Révolution garde la couleur du sang!
Soleil qui élargit son feu brave et ardent
Bien au-delà des mers profondes et frontières
Pour semer sa clarté qu'au fils de tous ces temps
Nous a fait tant grandir, non sans pleurs ni prières.
Lumière inépuisable qui nous bénit
Et glorifia à jamais une date, un Mardi!
Soleil roi, éternel, qui ça et là nous parvient,
Soit en été bien chaud, soit en rude hiver,
Et montre encore à tous que ce Jour fit du bien
Parce que son éclat parcourt tout l'univers!
Peuple digne et glorieux qui sut par un assaut
Dans un Jour héroïque en Juillet de héros
Engendrer sur la terre une si douce sève,
Tu fus un autre Adam, la Bastille, ton Eve!
Et esclaves et serfs s'en dressèrent alors;
Autant en fit la femme; et de cette fusion,
Rédemption des âmes qui vivaient sans dehors,
Naquit dans un Juillet une Révolution!
Le peuple ignorant donc par l'ombre d'un passé
S'en vit à la tête de l'histoire d'emblée.
Combien d'amers chagrins n'avait-il pas subi
Pour atteindre en un vol un si précieux nid
Où il cuva pour lui et pour tous les autres
Cette France des lois et des droits apôtres.
L’homme, par là, fut homme et frère de l'autre homme!
Mais s'il s'en fût appuyé sur la femme, en somme,
Sur les rues, les sillons et sur l'eau de la Seine,
Son sang n'eût pas couru, mais vieilli dans ses veines!
«La concorde d'esprit ne serait pas nuisible»,
Nous dirait le poète, «ne tue pas par le fer,
Parce que, et sans tomber dans du risible,
Par le même coup, mon fils, tu trouverais l'enfer.»
Et si peu ce poète en dirait par ses vers
En dépit de leur force bien par delà des mers,
Que nous parlent les morts des incorruptibles,
Artisans de tribunes, fils incompatibles
Dont le peuple dévoué aimait tant le discours,
Si éloquent et sage, précis presque toujours,
Qu’il croyait voir, hélas! le spectre de grands rois
Aux aguets dans la nuit, sans couronne et sans croix,
L’un assis sur le trône, l'autre devant l'autel,
Frères du même but voulant rendre éternel
Leur eau sacrée, bénie et divin, l'impôt,
En dépouillant le peuple de sa chair, de sa peau.
Et comme en cauchemar, c'était avec effroi
Que le peuple voyait le revenant du roi
Suivi de son cortège, branlant comme écusson
L’impôt et la disette_ soit la branche et le tronc,
Pourtant sans racines, de l'arbre féodal
Defeuillé par ce Paris-là non automnal,
Mais pour l'homme commun un printemps d'or_
Le régime despote, le retour de la mort!
Clergé pieux et nobles, eux tous grands féodaux
Rendant la sueur du peuple en misère et châteaux
Par l'appui de l'église éternisant l'altesse
Par le zèle des rois bénissant la noblesse
Le peuple tua, aima e laissa fuir du sang,
Du sien et des frères, la Patrie abreuvant!
Or, cette cécité eût empêché le peuple héroïque
De jouir à outrance d'une gloire sans tort
Si la cause des faits n'eût choisi Thermidor
Pour mettre terme à temps au salut civique.
Pour la Révolution tenir au but suprême
En dépit des pensées opposées à l'extrême
Sans pour autant compter sur un échafaud,
Mais sur les concordes des raisons mieux plutôt
Aurait été sans doute tout un réveil épique
Et pour la convention tout accord utopique;
Auraient été mieux vus les bons sans-culottes
Et dans tous les jardins, de belles charlottes
Cloraient comme éclot n'importe quelle rose
Qu'au printemps qu'à l'automne, la pluie arrose
Vu que l'histoire montre qu'aucun vrai processus
Sans vacarme ne s'écoule, et le Messie Jésus
En est un clair exemple, que ni foi, ni parole,
Ni amour n'empêchent que la foule s'affole,
Lorsque soudainement, après des nuits sans jours,
La lumière radieuse arrive pour toujours.
Et d'après l'héritage de toute connaissance,
De notre humanité son meilleur bon trésor,
Le Quatorze Juillet n'eût empêche la France
De parvenir au but sans vacarme, ni mort;
Et sans l'aube des rois, ni maître, ni nul dévot
N’eurent jamais permis au relais, d'autres rois
D’effacer par le verbe, le trône et les impôts,
Guides du Thiers-Etat, son élite, les bourgeois
Que le raisonnement des sciences et des arts,
Des métiers, inspira à dresser les paysans
Accablés par la dîme, le terrage et champart,
Et d'autres lapidés, les pauvres artisans
Contre les héritiers d'la couronne et d'la croix,
Les seuls privilégiés, divinités mortels,
Faible soutien moral dudit Capet des rois,
Entraves sans légendes des droits naturels.